Louise Aleksiejew
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Écrits
- How can the space between the pages be as meaningful as the pages? Du montage en bande dessinée, revue en ligne Plasticité, 2021
Devenir gris, texte sur la collaboration de Clément Garcia-Le Gouez et Thom Friedlander publié par Temple Magazine, 2020
- Les meubles,  texte commandé par le CAC de Brétigny à l’occasion du cycle Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique, 2020
Des ventres, texte sur le travail d’Antoine Medes, 2019
J’avance, je recule, texte sur le travail de Lucille Uhlrich, 2019



Commissariat
SOLEIL BOOBIES, 2019
Villa Belleville, Paris
Nadia Agnolet, Louise Aleksiejew, Marie Biaudet, Benjamin Collet, Vanessa Dziuba,
Alexandre Lamarche-Ovize, Florentine Lamarche-Ovize, Clément Garcia-Le Gouez,
Benjamin Hochart, Sophie Lamm, Marie Léon, Valentin Lewandowski, Antoine Medes,
Laura Porter, Laurent Proux, Anne Renaud, Léa Tesson, Maxime Thieffine, Lucille Uhlrich

cher.e.s ami.e.s,
antoine et moi-même avons le bonheur de résider pendant trois mois à la villa belleville, du 1er juin à fin août. nous aimerions profiter de cet espace pour organiser différents projets curatoriaux, et je me permets de vous contacter aujourd’hui pour l’un d’entre eux.
passionné.e.s par le travail en marge du travail et les lubies secrètes, et inspiré.e.s par des événements tels que la soirée dessins ratés du fanzine festival, nous voulons organiser une exposition de dessins d’adolescence. l’idée est simple : il s’agit de donner une visibilité à ces dessins souvent réalisés sur papier a4, mal composés, autrefois adorés mais aujourd’hui honteusement planqués, et de les faire entrer en dialogue dans un accrochage collectif qui permettrait d’en percevoir aussi bien les similitudes que la diversité. un moyen de redonner légitimité à cette production qui nous a construit.e.s quoi qu’on en dise, d’étudier les sentiments complexes qui nous relient encore à elle, entre affection sincère et cringe authentique, et de projeter ce que nous avons pu en conserver dans notre travail aujourd’hui.
scènes d’heroic fantasy, mangas, abstractions de marges de cahier, strips de bandes dessinées, dessins de mode, character design, cartes fictives et autres abstractions improbables… peut-être vous étiez-vous fait spécialistes d’un motif, d’un thème, de tropes narratives ? à vous de fouiller dans vos archives et de retrouver ce qui vous semble le plus caractéristique de votre production adolescent.e, disons entre vos 13 et 17 ans environ, avant l’entrée aux beaux-arts. je me permets de vous joindre à ce mail un petit cadeau de mes 15 ans qui vous inspirera sans doute. [...]
j’espère que cette idée ne vous terrifiera pas trop, et découvrir bientôt vos plus beaux elfes noirs, motif tribaux et autres obsessions adolescentes.
belle journée à tout le monde, à bientôt à la villa ou ailleurs !
louise











Commissariat
BROUILLARD GRUYÈRE, 2019
Villa Belleville, Paris
Nadia Agnolet, Louise Aleksiejew, Marie Biaudet, Vanessa Dziuba, Florent Dubois,
Ellande Jaureguiberry, Nina Lechartier, Marie Léon, Antoine Medes, Anne Renaud

Elle demande une part de brouillard. Quelques secondes passent avant que l’on réalise, autour de la table, qu’elle réclame en réalité une part de gruyère. On rit de la maladresse de l’enfant. Pourtant, ce qui passe pour une erreur n’en est peut-être pas une. Le brouillard, après tout, est lui aussi percé de trous. Partant de là, on émet l’hypothèse non scientifique, non argumentée mais non moins légitime, car elle fût vraie dans la bouche de l’enfant, que le gruyère lui-même est une sorte de brouillard. Voilà que se troublent les frontières entre brume et fromage, et par la même occurrence, que flanche la certitude que chaque chose ne possède jamais qu’une identité unique, sertie dans des contours prédéfinis.
C’est dans l’espace liminal de ce débordement, où l’objet excède son être pour prétendre à une nature nouvelle, empruntée ou inventée, que Brouillard gruyère propose de s’égarer. Loin d’opposer la rationalité de la perspective géométrique au lâcher-prise de l’imaginaire, le dessin s’affirme avant tout comme un outil de construction. Pour autant, les figures et scènes matérialisées sur le papier se refusent à toute stabilité. Un visage est une perruque est une spirale est un incendie. Tendus entre abstraction et figuration, les traits tremblent, les surfaces s’ouvrent, se recouvrent et se confondent – comme un œil incapable de mise au point voit se dérober constamment les silhouettes de son environnement.
Ainsi court-circuitée, l’identification n’échoue pas pour autant. Ses termes ont simplement changé, délaissant tout système binaire assertif (être ou ne pas être) au profit d’une impermanence féconde (être tout, tout le temps). Patience et observation sont alors de mise pour saisir l’instant où ondule le moirage, où apparaît ce visage ébahi dans un lavis tiré sur le papier, où l’œil d’un chat bleu devient la barque d’un lac, et peut-être bientôt gruyère, brouillard.








Commissariat
LE BUREAU DU PAVOT, 2019
à cheval, Paris
Nadia Agnolet, Louise Aleksiejew, Clément Garcia-Le Gouez, Antoine Medes, Laura Porter

C’est une nature morte habitée. Ou peut-être, peuplée – on ignore si ces choses-là habitent, après tout. On ignore aussi, d’ailleurs, si la vie les anime toujours, ou si nous n’en contemplons que leurs fantômes ou leurs fossiles. On contemple néanmoins.
Pris sur le fait dans l’espace silencieux du bureau, les squatteurs de terre cuite restent pour ainsi dire de marbre. Raides, aussi peu loquaces que les corps mous de la Chambre 202 de Dorothea Tanning, ils s’opposent à décliner leur identité, se refusent à fixer leur fonction. Quelque part entre la vaisselle utilitaire, la babiole décorant le manteau de la cheminée et les tsukumogami, ces objets de la maison japonaise qui prennent vie à l’occasion de leur centième anniversaire, ils se contentent d’être là.
Lassés de leur quotidien domestique, ces golems miniatures seraient-ils venus se risquer à une activité professionnelle ? Ou ne sont-ils pas justement en plein mouvement de grève, résistant aux conditions d’existence prédéterminées qu’on leur impose ?
On fournira toutes les hypothèses qu’on voudra, leur activité nocturne demeurera inconnue. Elle continuera pourtant de nous fasciner, attiré.e.s que nous sommes par la lumière au bout du couloir comme des phalènes battant des ailes autour d’une ampoule – animé.e.s par l’espoir d’approcher ces présences sans que celles-ci ne se dérobent au seul bruit de nos pas.


       




Écrits
- Systèmes de l’hétérogénéité en bande dessinée, mémoire de master 2, Université Paris VIII, Saint-Denis, 2018
- La bande dessinée minimale, mémoire de master 1, Université Paris VIII, Saint-Denis, 2017
- Le vide et ses pleins, mémoire de DNSEP, ESAM Caen/Cherbourg, 2016